Benoît Mennesson

Carnet de voyage…

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Vancouver de mai 2018 à avril 2019

Alors ça a pas vraiment tourné comme j’espérais.
Pourtant la ville me tape dans l’oeil depuis le début. La première chose qui saute aux yeux c’est le mélange entre mer, montagne et grattes-ciel, on a pratiquement toujours les trois à la vue où qu’on soit. Puis y a aussi le fait que ce soit fleuri, propre et paisible. C’est vrai, j’ai jamais vu autant de variété de plantes de ma vie, j’en découvre des nouvelles à chaque coin de rue. Assez peu de tags tout vilains, mais des jolies peintures murales qui ont une vraie esthétique. Sur les routes la circulation est particulièrement fluide, et bien que je me déplace le plus souvent en vélo sur des voies protégées, c’est agréable de pas avoir à se taper des files de moteur bruyants partout. Notre quartier est certainement un des mieux conçu aussi pour ça, la route est séparée du trottoir par une bande de terre plantée d’arbres, on a presque l’impression de se promener en forêt quand on va à l’épicerie du coin, d’autant qu’on croise souvent des petits écureuils sur notre passage, des corbeaux aussi, moins sympa faut avouer, et parfois même des ratons laveurs.

Voilà pour le général, le technique, mais y a aussi des choses plus difficiles à décrire qui me font me sentir bien.
C’est peut-être la diversité ethnique, qui fait se sentir un peu partout dans le monde à la fois. Même si y a surtout beaucoup d’asiatiques, des hindous avec leurs turbans, pas des touristes comme à Paris, mais aux caisses de magasins, qui conduisent les bus, ça fait un peu bizarre au début mais on s’habitue vite. Du coup, c’est aussi un peu difficile de s’habituer aux accent souvent assez marqués, je suis parfois obligé de faire répéter, mais au moins je me sens moins coupable quand j’ai mon bon gros accent de français qui ressort au moment d’une phrase hasardeuse.
Et de la même manière que j’ai la sensation que les automobilistes sont plus tranquilles, j’ai aussi l’impression que les gens dans la rue sont plus respectueux. On voit jamais des groupes de jeunes plus ou moins agressifs, bruyants ou qui dégradent le mobilier urbain. Les gens sont plutôt regroupés généralement à la plage, pour jouer au volley-ball par exemple.

En revanche, y a un paquet de sans-abris. J’avais déjà remarqué ça la dernière fois que j’avais été à Montréal, d’ailleurs. Je sais pas si c’est un problème du pays ou quoi. Là-bas on parle d’une vague de contamination aux opiacés, des drogues utilisées médicalement à la base, puis détournées à des fins récréatives, très addictives et destructrices. C’est triste à voir, mais sinon ça créé pas plus de problèmes que ça pour monsieur tout le monde. Certains disent que c’est le fait d’avoir accès si facilement au cannabis, on parle de « gateway drug », car ce serait un pas vers des drogues plus fortes. C’est vrai que même avant la légalisation du cannabis, on voyait beaucoup de boutiques qui en vendent ouvertement, mais à des fins médicales, soit disant. Autant dire que ça ressemblait pas du tout à des pharmacies, et qu’on voyait beaucoup trop de monde en sortir pour qu’ils aient tous un problème de santé curable par cette plante. Dans mon entourage on me dit que si tu vas chez le docteur en disant que t’as du mal à dormir, on te donne la prescription sans problème. Pour ce qui est de la théorie de la « gateway drug », les détracteurs disent qu’en légalisant on a moins tendance à fréquenter des dealers qui vendent aussi des drogues plus fortes, et ces dealers perdent leurs emplois, les groupes mafieux perdent des revenus, on obtient moins de délinquance.

Donc je me sens bien à pouvoir me déplacer à vélo facilement sur des voies agréables, bordées de jardins communautaires. Puis si je suis fatigué je peux encore prendre le bus en posant mon vélo à l’avant sur des supports exprès, ou dans le métro aux emplacements réservés. Les bus de ville vont parfois jusque très loin, et les deux ou trois randonnées que je faites c’est aussi grâce à ça, les bus te déposent au pied des montagnes ou au téléphérique qui monte jusqu’à la station de ski. Le soir quand je pars pour le boulot je vois d’ailleurs ces stations éclairées de nuit qui m’entourent là-haut, comme en lévitation dans le noir de la nuit, des monts Olympe où les dieux s’amusent. Au retour c’est le petit matin, j’ai le droit aux premières lueurs du jour, au point le plus haut de mon trajet je peux même voir les étendues d’arbres, parfois givrés, parfois aux couleurs de l’automne canadien. C’est à cette heure aussi qu’on voit le plus d’écureuils, ces timides travailleurs matinaux, faisant des petits sauts joyeux pour se déplacer en cherchant leur nourriture.

L’hiver est beaucoup moins rigoureux qu’on croit sur la côte pacifique, j’ai même changé ma doudoune contre un coupe vent plus léger pour pas avoir trop chaud pendant mes trajets en vélo. En revanche c’est vrai que c’est pas plus mal que le coupe vent soit aussi imperméable, car c’est souvent qu’une petite pluie se déclenche, rarement très forte mais continue, donc c’est plus pratique que de se trimballer un parapluie tout le temps. Puis finalement on la ressent pas tant que ça. Je m’habitue à entrer dans un café quand ça mouille de trop, comme les locaux. C’est fou, d’ailleurs, le nombre de cafés qu’on trouve, parfois deux de la même franchise presque à côté l’un de l’autre. On en trouve aussi en plein dans les quartiers résidentiels, y a rien à part des maisons, et à un coin de rue, un café. C’est mes préférés, ceux là sont en général tenus par des propriétaires locaux, comme ils disent, faut comprendre que c’est pas une franchise, et en général ils sont plus personnalisés, assez tranquilles, ça ressemble presque à un salon de maison, on se demande même si on est pas rentré chez quelqu’un par erreur. À part squatter dans les cafés, les vancouverois mangent souvent à l’extérieur aussi. C’est la sensation que ça donne en tout cas quand on voit les restaurants pleins à toute heure, et les magasins ou épiceries sont relativement vides en comparaison. Le résultat c’est qu’y a pleins de petits restos abordables et pas mauvais, et les épiceries ont souvent aussi un petit self service où on prend des plats cuisinés sur place qu’on paye au poids. Celles-ci vendent aussi beaucoup de produits fins et rares, comme de l’huile de truffe, des farines que j’avais jamais vues avant. Les fruits et légumes sont souvent très bons et pas trop chers, en revanche les produits laitiers, par exemple, sont à des prix assez choquants pour un français.
Ce qui surprend beaucoup aussi au début, c’est qu’on trouve aucune boisson alcoolisée dans les supermarchés, il faut aller dans des magasins spécialisés pour ça. L’avantage c’est que dans ces « liquor stores », on trouve pas mal de choix, même si l’alcool est assez cher en général, le vin surtout, mais on trouve un belle variété de vins espagnols, argentins, les californiens aussi sont souvent très bons. La bière est plus abordable, produite localement en grande majorité, mais très bonne, et avec des saveurs intéressantes, la IPA est très appréciée, on a des bières faites au seigle, parfumées au café ou au chocolat.

J’ai beau beaucoup aimé l’endroit, c’est difficile d’en dire plus sur le sujet. Pour moi c’est un peu un petit paradis, mais le ticket d’entrée est très cher. Les loyers surtout, rebutent énormément au moment de s’installer, y aurait apparemment une forte tendance des chinois à placer leur argent en y achetant des logements plutôt que de le mettre à la banque dans leurs pays. On me dit que beaucoup de tours de résidence sont à moitié vides, en tout cas pendant que j’y étais ils ont fait passer une loi pour taxer les logements qui ne sont pas habités. Les produits de consommation courante sont déjà à des prix plus raisonnables, mais le taux de conversion fait qu’on a quand même souvent l’impression que c’est le double de la France. Après, il faut surtout savoir où acheter quoi, les supermarchés sont souvent assez chers sur les produits de ménage par exemple, alors qu’ils sont meilleur marché au « dollar store », genre de « tout à un euro » très répandu là-bas.
Pour terminer sur une note positive, je dirais que c’est une des rares villes où j’ai senti une forte sensation de liberté, comme à Paris, New York ou Rio de Janeiro. Je saurais pas dire à quoi c’est dû, mais on le sait souvent au moment où on arrive, comme si c’était dans l’air, on prend plus de plaisir à respirer, alors c’est toujours une bonne raison pour y aller, ou y retourner.

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