Benoît Mennesson

Carnet de voyage…

Mon séjour en Australie, de janvier 2020 à avril 2022

J’étais censé rester entre 6 mois et un an,...

ça va faire deux ans et demi quasiment, mais bon, covid…
Puis j’avais un à priori plutôt négatif, au moins à ce niveau je suis content de m’être trompé.
C’est vrai, je m’attendais à croiser que des petits jeunes de 20 ans qui font la fête tout le temps, y en avait un peu avant le covid, beaucoup moins après. Du coup on s’est retrouvés à 15 dans une auberge close pour 9 mois, tous un peu le même genre de parcours, la trentaine environ, le besoin de tourner une page dans nos vies, le plus loin possible de nos vies d’avant.
C’est loin mais ça reste du relativement connu, un peu comme au Canada, l’Amérique du Sud avait été beaucoup plus dépaysante déjà, le japon l’aurait été beaucoup plus mais bon, les visas… Ici à ce niveau je peux pas me plaindre non plus, le premier était une formalité, par la suite le gouvernement voulait tellement garder les backpackers pour la main d’oeuvre qu’on aura toujours trouvé un moyen, j’ai fait tout ce temps sans jamais faire de ferme, ce qui est normalement requis pour demander un second visa, les générations précédentes auraient bien raison d’être jalouses.
Enfin, si la culture est malheureusement pas des plus exotiques, les paysages et les animaux rachètent ce manque facilement. Se promener dans une forêt d’acacias, avec des sortes de grosses fougères au tronc noir, des arbres qui saignent une gomme rouge et brillante, bien sûr y a aussi les kangourous, les émus et tout et tout, et même si j’ai finalement jamais vu un koala je m’en fiche un peu grâce au oiseaux. C’est vrai, déjà rien qu’a Melbourne c’était festival, entre les petits perroquets multicolores, les masques jaunes qui trainent en bandes avec leurs coupes de cheveux de rockeurs, jusqu’à Margaret ça aura été un regal, les galah à la tête rose qui se posent dans l’arbre du parking, les kookaburra (sorte de martin-pêcheur) qui font des cris de singes, tellement tellement d’autres aussi. En ce qui concerne le boulot, toujours pas de bémols, trois grosses expériences en boulangerie, et même une petite en pâtisserie. Encore une fois je m’attendais à faire du pain carré ou du pain prétendument français comme au Canada. Très vite à Melbourne j’ai eu les clefs du fourneau, je faisais mes propres recettes, ma propre organisation, mes propres exigences, et la clientèle approuvait les efforts, ça fait toujours plaisir. À Perth j’ai connu le meilleur patron du monde, sachant que l’ambiance de travail est largement plus tranquille ici qu’en France à la base, c’est dire. Mais c’était surtout son entrain, la volonté de faire un produit de qualité, avec une farine fraîchement moulue chaque jour sur place, du blé de production locale et saine. Encore une fois je me suis vu proposer le "sponsorship" trois fois, en gros c’est un visa qui aurait pu me permettre de rester en Australie indéfiniment, mais c’est pas le projet malheureusement.
L’Inde m’appelle depuis trop longtemps, il faut savoir tourner la page, même si elle est bien lourde, chargée qu’elle est d’amitiés géniales et diverses, d’aventures, de magie, d’échanges et de rires. J’aurai eu ma petite famille multiculturelle de Melbourne, avec qui on faisait des repas en commun tous les jours, des animations en tous genres… confinement oblige. Puis ce gros groupe de potes a Perth avec qui ont a dû essayer toutes les activités disponibles aux alentours, toujours prêts à se serrer les coudes aussi pendant les galères de covid. De nouveau une sorte de petite famille à Margaret, moins soudée globalement mais avec plus de liberté, un groupe d’âmes heureuses qui se promènent entre plages, lacs, vignobles et fêtes dans la forêt.
J’aurais été plus solitaire pendant que je voyageais de Darwin au Nord jusqu’à la Tasmanie au Sud, mais ça fait du bien aussi. Les pierres multicolores sur la plage, les parcs nationaux sur d’anciens sites aborigènes, toutes ces petites villes plus ou moins charmantes sur la côte Est, puis Sydney. Je recroise quand même des amis de Melbourne à Byron Bay, ce repère de backpackers-surfeurs, qui sera ma halte préférée de la côte, je fais des petits bouts de chemins avec d’autres. La rando dans les Blue mountains près de Sydney reste aussi comme une des meilleures de ma vie. Je pensais rester un peu en Tasmanie, là-bas on se croirait en Irlande ou en Écosse, je pense que si je m’étais décidé j’aurais connu une experience similaire a Margaret River, mais l’attrait des amis qui reviennent à Melbourne, vu que le confinement s’y termine, ça aura été plus fort. Revoir ma ville préférée d’Australie renaître de ses cendres, j’ai pas pu résister. C’était un choix fatal, 3 mois plus tard j’ai plus beaucoup d’argent sur mon compte, je commence à chercher du travail, puis l’état du Western Australia rouvre, je prends un billet direct. Le WA comme on dit est resté longtemps fermé pour se protéger du covid, tout le monde m’avait dit que je m’y plairais, comme c’est plus sauvage, ils avaient pas tort. J’ai adoré Melbourne pour la culture, la gastronomie variée, bien entendu je suis un peu déçu à ce niveau quand j’arrive à Perth mais je me console en faisant des petites randos aux alentours. Je remets mes comptes à flot, sachant que j’ai dû payer mon premier loyer avec le reste d’économies de France. Après 7 mois j’ai beaucoup plus d’argent que je prévoyais, je suis prêt à partir vers l’Asie mais encore une fois y a un nouveau variant. Je pars donc tuer le temps à Margaret River, une petite ville au Sud, finalement un très bon choix. Là-bas je gagne à peu près autant que je dépense, c’est un peu plus des vacances studieuses qu’autre chose, mais ça me convient bien et quand la saison estivale se termine, le monde est apparemment enfin prêt à se rouvrir au tourisme.
Voilà pour ce qui est de mon parcours, pour ce qui est de l’Australie je sais pas trop par où commencer. Comme je disais la culture ici est finalement plutôt européenne, ce qui est dommage quand on sait que les premiers habitants de cette île-continent nous auraient semblé être des extraterrestres, et on peut bien sûr s’y intéresser de plus près, visiter des sites, lires des livres qui en parlent, j’en aurais appris pas mal d’ailleurs mais c’est pas comme si on vivait dans cette culture, qu’on en est baigné comme on peut l’être au Japon par exemple. Même l’Amérique du Sud semblait avoir absorbé plus d’éléments autochtones comme le maté ou l’artisanat textile. Ici les aborigènes sont malheureusement des marginaux, mais nous aussi un peu, les backpackers, ce qui m’amène à mon deuxième point. On est bien sûr très présents dans les villes, une source de main d’oeuvre indispensable dans ce pays riche en ressources, et même culturellement le backpacker est une figure bien connue par ici. Par contre, je me suis rendu compte, surtout au moment où une personne infectée du covid est entré dans le WA, qu’on est aussi un peu des parias, surtout ceux venant du pays du camembert. Les journaux indiquaient clairement que la personne en question est un backpacker français, ce qui est pas vraiment indispensable à préciser. Directement à la suite de ça j’ai témoigné d’un comportement agressif venant de certains locaux. On m’a aussi raconté que certains employeurs employant des backpackers ne veulent juste pas de français. Étant une communauté minoritaire quand même assez large et plutôt jeune, je conçois que certaines choses qu’on nous reproche sont possiblement fondées sur des faits réels, mais juger tout le monde au même compte c’est pas non plus correct à mon goût. Enfin, ça fait réfléchir à la manière dont certains jugent nos propres communautés minoritaires en France. Et personnellement, je pense avoir ressenti cette fine frontière qu’on appelle le contrat social, plus facile à traverser quand on se sent déjà rejeté d’avance.
Si je devrais terminer sur un dernier point, autant qu’il soit positif. L’Australie restera pour moi le paradis du road trip, je pense pas qu’il y ait d’autres endroits du monde comme ça où on peut aussi facilement s’acheter un van par exemple, se l’aménager soi même et partir sur la route sereinement, trouver du travail par-ci par-là et continuer tranquillement. On trouve presque partout des auberges de jeunesse, des campings parfois gratuits, et c’est tellement courant qu’on peut aussi très vite trouver des partenaires de voyage, faire des convois, s’échanger des tuyaux. Les paysages à eux seuls seront responsables de la plus grande partie de la magie qui en résulte, les rencontres aussi, les ciels nocturnes feront le reste. Ce serait plus difficile dans un pays avec une moins grande sécurité générale, comme en Amérique du Sud, où j’ai bien pu constater que c’est pas aussi courant. Faut dire qu’en matière de sécurité l’Australie a du niveau, c’est pas non plus le Japon et ça dépend aussi des régions mais on en vient souvent à plus fermer les portes de sa voiture ou à se promener avec des grosses sommes d’argent en liquide sans penser qu’on pourrait se faire voler.
Mais voilà, j’en suis là, après autant de temps sur ce territoire, prêt à décoller. On me demande combien de temps je pense continuer comme ça et je sais jamais quoi répondre. Je commence à me faire vieux pourtant, mais je peux pas me forcer à vouloir me poser non plus, même si de plus en plus je sens que j’ai tendance à m’attacher aux gens et aux lieux, alors c’est parfois douloureux. On verra après l’Asie si j’ai mûri, mais le monde est tellement grand et beau, la sensation de liberté et d’aventure tellement jouissive. Pourquoi s’en priver ? Puis l’âge est de plus en plus une notion floue pour moi, on me dit toujours que j’ai l’air d’avoir dix ans de moins que ce que je fais vraiment, c’est peut-être que c’est ça la recette, qui sait ?


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