Benoît Mennesson

Carnet de voyage…

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L'Argentine de Puerto Iguazu à Mendoza

### du 28/02/2012 au 31/03/2012 mon itinéraire en Argentine
Je commence l’Argentine par les chutes d’Iguazu, zone des trois frontières entre le Brésil, le Paraguay et l’Argentine. Et les chutes d’Iguazu, un spectacle naturel immense, annonçait assez bien le reste de mon parcours en Argentine, beaucoup plus nature que ville, à la différence du Brésil.
Des tonnes et des tonnes d’eau transformée en mousse lourde qui tombe si bas qu’on n’en voit pas la fin, l’embrun léger qui remonte comme une pluie inversée. Un spectacle intense, puis une belle promenade aussi car les chutes sont tellement grandes qu’on peut y passer la journée pour aller à tous les points de vue, plus ou moins lointains, on a toujours envie de prendre une photo, à la fin y en a trop et ça crève le cœur de les effacer. Mais quel plaisir de s’asseoir et de regarder longuement les lourds rideaux d’eau qui défilent pour que s’imprime dans l’imaginaire une chose aussi grandiose.
Buenos Aires fut ma seule destination ville de cette partie du voyage. Et quelle ville ! C’est vrai, c’est pas ce qu’il y a de plus original, étant donné que ça ressemble beaucoup aux villes européennes. Je retrouve un peu Paris, malheureusement sans les bords de Seine, les petites brasseries, les boulangeries aux tartelettes délicieuses. Enfin, y a le tango, les quartiers de San Telmo, Palermo, La Boca, tous différents et sympas.
San Telmo et ses rues pavées, ses immeubles bas, ses petits cafés et restaurants, et le marché du dimanche, immense, où on peut trouver de tout, des peintres, des artisans, des antiquaires, des musiciens, des danseurs, et un type qui pose pour qu’on le prenne en photo, habillé comme à l’époque du tango, avec une guitare à côté de lui, des photos de ses idoles autour, et un petit panneau marqué « Gardel vit » (Carlos Gardel est le plus fameux des chanteurs de tango, et il est mort bien sûr).
Palermo peut ressembler par endroits aux quartiers de Soho, Greenwich et West village à New-York. Encore une fois des immeubles assez bas, des maisons de tous les genres, des bars plus «tendance», ça donne une atmosphère à la fois créative et paisible, j’aime beaucoup, c’est malheureusement assez loin du centre, alors j’y suis pas allé bien souvent.
La Boca est certainement le quartier typique le plus propre à Buenos Aires. Propre dans le sens qu’on ne voit pas ça ailleurs, bien sûr. À l’origine un quartier défavorisé où les habitants ont décidé de peindre leurs maisons avec des couleurs vives pour chasser le gris de leur quotidien, c’est le quartier où est né le tango. Aujourd’hui très touristique, c’est surtout un alignement de boutiques souvenir et de restaurants qui ont chacun leur couple de danseurs de tango en terrasse. Mais j’ai bien aimé quand même, aussi à cause des graffitis assez fréquents en rez-de-chaussée des bâtiments (pas des graffitis sauvages mais assez travaillés, dans le but d’embellir la façade), le style Boca continu d’évoluer.
Pour le reste, c’est une grande ville comme une autre, pourrait-on dire. Enfin le centre, le quartier du Congrès et Ricoleta, moi c’est mes quartiers favoris. Les grands platanes, les petits commerces, les bâtiments aux hautes façades parisiennes, le flot ininterrompu de gens pressés. Je respire, je revis Paris, ça fait du bien. Et l’animation culturelle aussi est assez vivante, les bars à concerts, les théâtres, les cinémas, beaucoup plus qu’à Rio par exemple, il y a tellement à voir et à faire. En seulement quatre jours passés à Buenos Aires, j’ai déjà envie d’en voir plus.
Puis je pars pour le grand Sud. Ma première étape est Puerto Madryn, une ville sans aucun charme, posée là au milieu de la Patagonie et ses longs déserts de plaines couvertes de mini-arbustes tout secs, tous identiques les un aux autres. C’est le paysage que j’ai vu défiler durant quatre heures avant d’arriver à Puerto Madryn, et que je verrais défiler beaucoup aussi par la suite. C’est la Patagonie, ça donne à méditer quand on arrive dans une ville à savoir pourquoi ils ont décidé de la construire là. Ils auraient pu la fonder 3, 30 ou 300 km plus loin, ça aurait pas changé grand chose.
Enfin si, là il y a la péninsule Valdés pas loin, c’est peut-être la raison. Je visite la péninsule avec deux amis anglais rencontrés à l’auberge. Des vrais anglais ! Des qui commencent à boire de la bière à quatre heures de l’après-midi, mais super sympas. Ils sont accompagnés par une Uruguayenne adorable, le tout forme un groupe génial avec qui j’ai passé du très bon temps à aller d’un point à un autre de la péninsule pour voir tantôt des lions de mer affalés sur le sable ou jouant dans les vagues, des grands groupes de pingouins immobiles face au vent frais, des éléphants de mer qui se dorent au soleil, et des sortes de petits chiens qui pourraient aussi être un mélange de chat et d’écureuil.
On nous montre une ancre de bateau en nous expliquant que c’est un bateau qui s’est échoué là en 1803. J’imagine le type qui a survécu à la tempête et qui se réveille là en 1803, il y a rien du tout à des kilomètres à la ronde sauf ce tapis sans fin de sable ponctué de petites boules d’arbuste. Je crois que je viens de comprendre comment ont pu être fondées les villes d’ici, certainement un bateau qui s’échoue.
Je prends mon ticket pour Rio Gallegos, normalement ma correspondance me laisse largement le temps pour prendre mon bus pour Ushuaïa, et puis jusque là j’ai jamais eu beaucoup de retard avec les bus. Et cette fois, plus deux heures de retard, je loupe ma correspondance, plus aucun autre bus dans la journée, et Rio Gallegos est une ville tellement horrible que ça donne vraiment pas envie de rester. Bref, je décide de partir pour El Calafate, à quatre heures d’ici. Du coup, depuis El Calafate c’est assez difficile de revenir vers Ushuaïa, je me résigne, je laisse tomber Ushuaïa, j’irais pas voir le bout du monde, tans pis.
Mais El Calafate me réconforte un peu déjà. La seule chose à faire est la visite du glacier Perito Moreno. Le bus te débarque en face, plus que quelques pas à faire pour arriver en face d’une langue rugueuse bleu turquoise de 30 km de long, qui craque en bougeant, qui laisse tomber des gros blocs de glace de temps en temps, la colline en face du glacier fait caisse de résonnance, le bruit est impressionnant. Et au moment de la chute des blocs, c’est gigantesque, on reste figé. Le temps est long avant le retour du bus, vu qu’il y a pas vraiment grand chose à faire en attendant, le petit parcours se fait vite, mais enfin, de s’asseoir à le contempler, ce géant de 60 mètres de haut, tout craquelé, chercher les différentes nuances de bleu qui s’illuminent à la lueur du soleil dans les creux et les bosses, essayer de deviner quel va être le prochain bloc qui va tomber, on finit par y prendre goût.
Ma destination préférée reste El Chaltén, à 3 heures de bus au nord d’El Calafate. Un tout petit village, 90% de la population sont des touristes, et des pistes de randonnée partout. Le premier jour, j’en fais une tranquille, ça a été ma préférée. La poésie qui se dégage des paysages est géniale. Les grands arbres tortueux qui font penser que la vie humaine est minuscule, les toutes petites feuilles épaisses qui les parsèment par endroits laissent entendre que l’espérance est une vertu qui paye toujours, une petite rivière fraîche, blanche et légèrement verte, comme du lait à la menthe, d’autres arbres un peu plus loin, une forêt entière, bien morts et figés, tout gris, brillants au soleil comme s’ils étaient fait d’argent, eux affirment qu’ils seront là pour toujours, l’éternité c’est rien du tout. Et puis à la fin du parcours, on arrive devant les pics de La Torre, des grands doigts de pierre, très fins et très hauts, qui fracassent le ciel, c’est superbe, c’est un type de paysage et de montagnes qu’on a pas en Europe. Ma deuxième rando, pour approcher le mont Fitz Roy, le plus haut des environs, aura été plus sportive et en fin de compte moins sympa.
Départ de El Chaltén à 9h00 du matin, on s’arrête pour la nuit dans un petit hôtel puis on repart le lendemain matin de bonne heure pour arriver le soir vers 21h30 à Bariloche. Plus de 36 heures de voyage en tout entre El Chaltén et Bariloche, mais bon, faut bien. Et puis ça me laisse du temps pour réviser ma conjugaison espagnole, j’en avais bien besoin. Parce que sinon, le paysage est pas sensationnel, des grandes étendues stériles, un animal mort en bord de route de temps en temps, c’est la Patagonie quoi.
Bariloche est une ville déjà beaucoup plus grande qu’El Calafate, aux accents très germaniques et suisses, on peut y manger de la fondue, des chocolats locaux (qui sont d’ailleurs très bons), et la cerise sur le gâteau (pour un charpentier), c’est les charpentes bois, un peu partout, souvent très belles. Il y a une petite boucle à faire à pied aux alentours et quelques sentiers de randos, les paysages ressemblent beaucoup plus à ceux de la montagne française, avec des sapins partout, les grands lacs autour donnent des effets très beaux, mais j’ai quand même préféré El Chaltén. Je m’éternise pas, je reste seulement deux nuits puis je repars pour Mendoza, LA ville des vins d’Argentine.
Là je rencontre une petite allemande, un peu perdue, qui parle espagnol sans prononcer les « r », c’est amusant, mais vraiment adorable. En la quittant deux jours plus tard, j’ai l’impression de dire adieu à une bonne amie. On va ensemble dans les petites montagnes environnantes où se trouve une sorte de centre thermal à eau chaude naturelle, ça fait du bien après toutes ces randos. À Mendoza, on se fait un resto en tête-à-tête, j’ai l’impression d’avoir une vie de couple. Puis le lendemain on fait la visite des bodegas (c’est comme ça qu’on appelle les fabriques de vins en Argentine, c’est quand même plus beau de dire « château »). Plusieurs fois, lors des visites, j’entends cette chose : « Comme vous le savez, ici à Mendoza, nous sommes la capitale des meilleurs vins du monde ». Je suis scandalisé ! D’autant que, même si j’ai pas pu goûter les vins hauts de gamme et plus vieux lors des visites, les petits vins qu’on nous servait n’étaient vraiment pas à la hauteur des prétentions. C’est vrai que c’est assez difficile de juger, et que c’est aussi peut-être une histoire de point de vue, mais quand même. Ils sont frais, bien équilibrés, mais ils manquent beaucoup de saveur. En faisant la comparaison avec un petit Médoc ou un vin des graves, pas des tueries non plus, l’argentin de même âge peut tout juste servir pour l’apéritif ou pour un barbecue saucisse-merguez, en remplacement du rosé. Bref, je me réserve à l’avenir d’en goûter des plus hauts de gamme pour juger vraiment, mais pour l’instant mon opinion est faite, on garde le titre en France !
Et oui, je suis revenu à Buenos Aires. C’était pas prévu, mais j’avais rencontré une petite colombienne là-bas, une vraiment bien, qui vit ici depuis quelque temps déjà. Buenos Aires me plaît beaucoup, et je sens que j’ai envie de me poser aussi pour quelque temps, ça fait maintenant plus de trois mois que je suis parti de St Pierre et j’ai besoin de retrouver un peu une vie normale. Enfin, une vie normale, Buenos Aires est une ville de dingue, débordante d’activité, ma colombienne aussi est un peu toquée sur les bords (elle s’habille quasiment toujours en mauve, et ce n’est qu’un exemple), et j’ai jamais vraiment eu une vie de couple qui dépassait une semaine alors je sais pas trop à quoi m’attendre. En tout cas, on cherche un logement en ce moment, moi je cherche un travail, dans la charpente, ou prof de français, je sais pas trop comment ça se passe au niveau des visas de travail, pour l’instant j’ai du mal à me sortir de l’ambiance voyage, je verrais bien, et si je trouve rien je repars de toutes façons, mais j’ai vraiment envie de faire ça ici, maintenant.
Et puis Violetta, comme tout le monde l’appelle, ne parle pas vraiment autre chose que l’espagnol, du coup je suis vraiment dans le bain et je crois que j’ai déjà beaucoup progressé dans la langue depuis que je suis avec elle. Ça fait maintenant une semaine et demie que je suis revenu à BA, on loge chez un couple d’amis qui sont partis pour deux semaines, et ça se passe très bien. Si je trouve un travail, je pense qu’y a pas mieux comme situation pour se plonger dans l’atmosphère culturelle et linguistique locale. Parfois je me dit que je suis vraiment très chanceux, pourvu que ça dure. Demain je vais peut-être essayer de jouer au loto, on sait jamais !


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