Benoît Mennesson

Carnet de voyage…

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De Buenos Aires à la Guyane Française

du 25-07-2012 au 03-10-2012

Pour la dernière fois je passe dans l’allée menant du métro à la gare de bus de Retiro. Je vois une dernière fois ce spectacle de vendeurs ambulants, de mendiants, gens louches, rues sales et circulation chaotique. Je me réveille le lendemain à Cordoba, une petite Buenos Aires, beaucoup plus propre et tranquille, mais à part les grandes rues piétonnes, pas vraiment grand chose d’original, c’est pas folichon. Mon meilleur souvenir est le musée des beaux-arts, dans un vieux bâtiment à la française, bien rénové avec une architecture moderne intéressante, et les œuvres aussi sont bonnes, Cordoba est une école importante des arts en Argentine.
Et ça faisait si longtemps que j’étais enfermé dans la grande ville, je m’offre une petite randonnée près de Cordoba, au parc naturel des Condors. Je me retrouve sur un chemin entouré de hautes herbes jaunes, le soleil au rendez-vous (on est en plein hiver et je suis en T-shirt), le silence, quel plaisir ! Et au bout du chemin, je vois effectivement des condors, de loin, très loin, si on m’avait pas prêté des jumelles en fait je les aurait pas vu, mais c’était cool. Sur le retour je discute avec deux argentines qui m’offrent une clémentine, et je me rends compte que même après tous ce temps à parler exclusivement en espagnol au point de devenir naturel, la première chose qu’elles m’ont demandé sans savoir c’est : Et tu es d’où en France ? Bref, Santiago de Chili, j’y suis. Voyons voir ce qu’il y a de spécial ici… C’est bien différent de Buenos Aires, pour le relief déjà. BAires est si plat, je suis enchanté par le petit parc du cerro Santa Lucia en centre-ville où on grimpe des petits escaliers casse-gueule jusqu’à la vieille tour du mirador pour découvrir la ville de haut. Le quartier des bars et boîtes de nuit de Bellavista est très mignon et très animé. Sinon, pour la nourriture et l’attrait culturel, j’ai eu l’impression de me retrouver dans un milieu plus mexico, cactus, caramba. Mon auberge, très pauvre, regorge de latinos ou d’espagnols en stage d’étude. Très sympa en tout cas, le soir c’est guitare, bière, tchatche, échanges de blagues typiques.
Je ne suis pas fier de moi, mais bon. Après avoir subi la déception de voir mes économies faites à Buenos Aires partir en partie en fumée avec l’interdiction d’acheter des dollars US, quand je vais changer mes pesos argentins pour des chiliens et que le changeur se trompe en pensant que c’est des réais brésiliens, d’abord je dis rien parce que je ne suis pas sûr de m’être pas trompé moi même, je trouve que ça fait beaucoup, je m’en vais. En revenant à l’auberge, je me rends compte de l’erreur et je me dis : tant pis pour lui ! En gros, il m’a donné trois fois trop d’argent, il m’a offert environ 700 euros, ça me paiera mes vacances jusqu’à la Colombie.
Valparaiso, il y a de quoi tomber amoureux. Les collines, la mer, la ville chaotique, pleine de petites ruelles aux trésors de maisons colorées et de peintures murales. Je retrouve le même plaisir que dans Venise, à chaque croisement on a du mal à choisir où aller, on aimerait partir dans toutes les rues car toutes paraissent aussi charmantes. Il y a un musée à ciel ouvert, des peintures murales, quoique qu’assez décevantes, mais le concept est intéressant. Je visite la maison de Pablo Neruda, un poète cultisme au Chili, un vrai grand dingue, j’adore. Il affirme par exemple que l’eau désaltère plus si elle est bue dans un verre de couleur vert, ou rouge… Il a une carte du monde où la Californie est une île (faite par un français !). J’ai fini par acheter un de ses recueils pour découvrir.
Je rencontre trois françaises à l’auberges et on décide d’aller dans les bars du coins la nuit. Le premier pas terrible, le deuxième on ne nous laisse pas rentrer dans un premier temps. Les filles grimpent à la haute fenêtre pour voir ce qu’il se passe, on leur dit de descendre pour ne pas boucher l’aération. On nous laisse finalement entrer et je comprends. C’est super petit, et c’est blindé, la porte s’ouvre, je me prends tout de suite un coup de solo de trompette dans les tympans, ça défrise. J’ai essayé de danser, enfin de remuer, j’ai arrêté car je shootais à chaque fois dans un chien arrêté là au milieu des gens dans le bar. Une de mes amies française se lance à danser comme une folle, la foule s’écarte, elle danse vachement bien, un mec du coin s’approche d’elle avec le chapeau noir et le petit gilet style jazzman super class, ils font une super démo, tout le monde applaudit, je suis fier de mon pays. Du coup on nous offre à boire sans arrêt, je discute avec plein de gens super intéressants, et je réalise que c’est mon anniversaire, j’ai 26 ans, une soirée d’anniversaire sympa quoi !
Il faut aller vers le Nord. La Serena est à bonne distance d’une nuit en bus, j’y vais. Pas grand chose à voir, je pars vers Pisco Elqui, un petit village de montagne sympa, où on peut notamment faire la visite d’un observatoire astronomique la nuit pour regarder les étoiles, dans cette région très sèche et en altitude, à ciel bien découvert quasiment toute l’année, c’est l’endroit parfait pour ça. Je prends, et ils annulent au dernier moment, pas de bol, je repars vers La Serena prendre un bus pour San Pedro de Atacama. Des rues aux murs de clôture jusqu’aux maisons, tout est en terre. Le charme de San Pedro de Atacama, très touristique mais très surprenant, laisse une très bonne impression. Beaucoup de bons restos aussi. Une belle promenade à faire dans les environs à la vallée de la lune, où je perds mes fesses depuis le temps que j’avais pas fait du vélo. Ils organisent aussi de tours astronomiques, je réserve, ils annulent au dernier moment, j’en ai marre. Bref, mon guide du routard conseille une agence pour faire LE tour du salar d’Uyuni jusqu’en Bolivie, je me retrouve dans un convoi de français, mais c’est agréable, pas souvent l’occasion de parler ma langue natale.
Il est assez cher, mais on ne regrette pas. C’est trois jours et deux nuit, en gros c’est long, mais il y en a tellement à voir que le temps passe très vite. Des lacs de toutes les couleurs, des flamants roses en pagaille, des vigognes (sortes de lamas sauvages), des montagnes superbes, de geysers impressionnants (où un français est mort récemment en voulant prendre une photo de trop près), des vieilles roches volcaniques érodées qui sortent du sable en forme d’arbre de pierre, un volcan en activité, des traces de coulées de lave, on s’ennuie pas. Et bien sûr, le bijou du tour, le salar d’Uyuni. C’est anciennement un grand lac d’eau salée dont l’eau s’est évaporée, reste le sel, une étendue gigantesque de sel. Au milieu du salar, les montagnes alentour paraissent des îles. Et on en visite une, une île que servait antan à faire des sacrifices de jolies jeunes adolescentes pucelles, aujourd’hui des lamas ou des chèvres (pour que sa colle un peu mieux à la déclaration universelle des droits de l’homme). Sur cette île faite d’anciens coraux du temps de la mer, des cactus gigantesques, dont certains, de 12 mètres de hauts, peuvent avoir vécu 1 200 ans. C’est kiffant. C’est tellement dommage que la ville d’Uyuni, terminus du tour, soit si moche. Alors je pars vite fait pour Potosi, tout de même beaucoup plus charmante. J’ai adoré m’asseoir sur les bancs de la place des armes, très agréable, me prendre un petit jus d’orange pressé sur demande, écouter les discussions des petits vieux qui se regroupent là en bande parler du vieux temps. Et puis la ville est en haute altitude, plus de 4 mille mètres je crois, ce qui fait qu’on s’essouffle assez rapidement en marchant, pour cette raison aussi j’ai tant aimé les bancs de la place des armes.
Ce qui choque beaucoup quand on arrive en Bolivie c’est la physionomie des gens, on a vraiment l’impression d’avoir débarqué dans un autre monde. C’est aussi ça qui m’a plu en Bolivie. En effet, ici les gens sont en grande majorité d’origine indienne, ou plus précisément inca. Le quechua, langue inca, est très parlé en Bolivie et au Pérou d’ailleurs. Du coup pour un européen, oui, ça fait bizarre. Par contre, ce qui me choque beaucoup aussi, c’est que j’ai eu du mal à trouver des femmes jolies, elles auraient un peu une tête de Pocahontas (référence au film de Walt Disney, ça c’est de la référence culturelle !), mais avec un air plus grave, plus dur.
Bref je reste pas longtemps et je pars pour Sucre, mon coup de cœur en Bolivie. Une ville vraiment très mignonne, très tranquille et agréable, et aussi beaucoup moins en altitude, on respire mieux. Je suis resté coincé deux nuits de plus que prévu là-bas, dû à une grève qui bloquait les routes, mais c’est bien tombé. C’est à Sucre que je m’aventure la première fois dans un marché en Bolivie, une trouvaille extraordinaire. Sur le marché, on trouve de tout, mais aussi des restaurateurs, bonne idée, les produits bien frais sont juste à côté, pas besoin d’avoir trop de stocks. Les menus comprenant une soupe, un plat principal et une petite boisson type tisane fraîche, coûte l’équivalent de 50 centimes d’euros. Pas cher, très bon (quoique parfois assez moyen, faut savoir choisir) et rapide aussi, parfait pour le midi. Et quand on aime bien se faire un bon dessert comme moi, on peut aussi aller voir les stands de jus de fruits qui font aussi, pour 0,5€, des salades de fruits superbement présentées, avec plein de fruits de tous les genres, une petite mousse chantilly par-dessus, ou parfois du yaourt liquide avec une sorte de miel mélangé, c’est extra et plein de bonnes vitamines.
Car oui, LE gros point fort de la Bolivie, c’est que c’est pas cher du tout : un bus pour un court trajet type 4 heures peut coûter entre 1,5 et 3€, une nuit en auberge autour de 4€, un bon repas au marché, environ 1€ en tout. Seulement les restos m’ont paru étrangement beaucoup plus cher, ça sort en général à 10€, même pour seulement une pizza avec une bière. Mieux vaut cuisiner le soir quoi, une fois en allant au supermarché au dernier moment avec seulement 2,5€ en poche, je pensais pas m’en sortir, finalement j’ai eu une bonne côte de bœuf (0,7€), un demi kilo de pomme de terre (0,5€), et même une bonne bière (1,3€), ça fait plaisir. La Paz, le carrefour du commerce des Andes, dans certains quartiers on a l’impression d’être dans un marché géant. Il y a même le quartier du marché aux sorcières, où on peut voir des fœtus de lama pendus à une corde, en alignement tout le long de la rue, vraiment glauque. C’est pas loin de là que j’en profite pour m’acheter ma petite guitare bébé, à 30€, fabriquée artisanalement, bien robuste, une sonorité presque comme une vraie, pratique pour le voyage. C’est la capitale aussi donc, et c’est vrai qu’il y a quelques petits trucs pas mal, mais sinon c’est pas grandiose, du coup, quitte à choisir, je préfère dire que j’aime mieux Sucre. Direction Copacabana, au bord du lac Titicaca, sur le chemin je vois défiler des paysages de champs jaune or, avec des petits tas en cône de la récolte, les paysans qui se trimballent avec les outils, pas de tracteurs, pas de silos géants, juste les modestes maisons des paysans, au centre de leurs petites parcelles respectives, on se croirait dans un paysage de la vielle France campagnarde, un tableau de Millet en vrai. Avec le petit plus des bords du Titicaca et des petits bateaux en bois colorés sur les rives.
Quel dommage que la ville de Copacabana soit si moche… A part l’église, vraiment particulière et bien réussie, le reste est pitoyable, surtout la plage, très sale et mal aménagée. Enfin, je ne suis là que pour partir le lendemain pour l’île du soleil, qui elle est vraiment jolie. On débarque au Nord pour se diriger vers le Sud de l’île, en suivant un chemin qui nous fait passer par des ruines Incas (car l’île du soleil est un ancien lieu de rites inca très important, le dieu soleil étant le plus important de tous), des chemins aux belles perspectives sur le lac, les parcelles de cultures en escalier abandonnées, un village assez charmant et traditionnel au Sud à l’arrivée. Et on passe aussi par trois « postes frontières », car l’île est habitée par trois communautés différentes qui demandent chacune un droit de passage en arguant du maintien du chemin et accusant les autres communautés de menteurs et d’escrocs. Le petit groupe avec lequel je suis n’est pas trop d’accord la deuxième fois qu’on nous demande de l’argent pour la même chose, je fais l’avocat en usant de mon espagnol, en parlant d’aller demander à la police voir si ce qu’ils nous taxent est réglo, on m’offre spontanément la réduction étudiant, trois fois moins cher, on dit ok, au troisième et dernier poste frontière on s’est même pas arrêté.
On m’avait parlé des îles de Puno, des îles flottantes en pailles, proche de la ville péruvienne de Puno, où les habitants vivent toujours sur ces îles dans leurs « mode de vie traditionnel ». Ceux qui y sont passés me donnent leurs impressions de plutôt assister à un spectacle artificiel fait pour les touristes, certaines îles sont par exemple construites uniquement pour ça. Après l’expérience de l’île du soleil, j’en ai marre du parcours du touriste, je renonce, je vais directement à Cuzco.
Cuzco, une ville dominante sous le règne Inca. Des parties de murs bien conservées de cette époque, impressionnants de complexité géométrique (des pierres de plusieurs tonnes et à pans multiples, le maximum c’est 12) pas un joint énorme entre les pierres, parfois vraiment rien. C’est un mystère de savoir comment les Incas, sans connaître la roue, sont parvenus à faire ça. Une ville assez calme et très jolie, agréable à visiter. Et je me rendrais compte qu’au Pérou, c’est assez courant de s’asseoir sur un banc et que le mec d’à côté engage la conservation. Ici le gars, entrepreneur en bâtiment, me raconte comment il s’est retrouvé aujourd’hui à avoir, je crois me rappeler, 6 femmes et 12 enfants, chaque ménage avec un commerce qu’il a créé, les enfants certains aux études, en train de voir le jour ou déjà au boulot depuis un certain temps. Arequipa est aussi très jolie, la pierre de construction, très blanche et creusée de forme de fossiles marins, donne au bâtiment un éclat supplémentaire à ceux dont l’architecture est déjà remarquable. Etrangement, quelques bâtiments plus sobres, des logements, m’ont fait penser à la bonne vielle échoppe bordelaise, dont déjà la pierre est assez ressemblante.
Un point important au Pérou, comme me le rappelle l’auberge où j’étais à Arequipa, une des meilleures que j’ai faite, super bien organisée et très charmante, c’est que le tourisme est vraiment bien rôdé dans ce pays. Les auberges de jeunesse, mais aussi les bus de longues distances (les plus chers, bien sûr, mais le prix reste raisonnable) qui font presque penser à des avions dans l’accueil et l’organisation, c’est vraiment agréable de voyager au Pérou.
Et mon gros coup de cœur au Pérou c’est Lima. Au début, en entendant parler de la garua, une sorte de brume maritime qui laisse la ville dans une grisaille continuelle (le chauffeur de taxi qui m’amène à mon auberge me dit : si, quelquefois il fait soleil…), je m’attendais à pas trop aimer. En fin de compte, le vieux centre est déjà très joli, mais le quartier classe de Miraflores, le plus touristique aussi, beaucoup plus moderne, est vraiment génial. Très bien organisé, très vivant, concerts de musiques de tous les genres dans les places publiques et dans les bars à concerts, beaucoup de petites restaurations sympa et pas trop chères. Le long de la falaise qui fait face à la mer, une superbe petite promenade où on peut voir des parapentes qui s’éclatent sur le courant d’air qui remonte la falaise, au pied, les surfeurs qui s’amusent dans les vagues du Pacifique. Et il y a ce petit air de folie, d’intensité créative qui m’attire beaucoup dans les grandes villes comme Paris et New-York. Lima est d’ailleurs devenue pour moi, la petite New-York de la grande Amérique Latine !
C’est un truc bête, mais ça vaut le coup d’en parler. Depuis le temps que  je travaillais à Buenos Aires où j’étais payé en liquide, et jusqu’à maintenant donc je voyageais avec mes économies, en liquide aussi, ça faisait quatre mois environ que je n’utilisais plus ma carte bancaire. Le jour où je veux aller à un guichet à Lima pour retirer un peu, je fais tout comme d’habitude et au moment où la machine me demande mon code confidentiel, je tombe des nues. Bein oui, je m’en rappelle plus, je l’ai oublié. Quand on l’utilise tous les jours on y pense pas, ça devient naturel de taper son code, mais après quatre mois sans faire le geste de mémoire, envolé ! Heureusement il me reste encore une partie de mes économies pour subsister jusqu’à ce que je trouve une solution.
Je partais à Trujillo aussi et surtout pour voir les ruines de Chan Chan. C’est vrai, à Cuzco tout le monde te demande si t’es déjà allé ou sinon quand est-ce que tu vas au Machu-Picchu, car c’est un passage obligé. Moi j’avais décidé de boycotter car c’est déjà très cher (le site est pris en otage par la compagnie américaine Orient-express, le train pour s’y rendre est très cher, l’entrée au parc aussi, tu paye 4$ un verre d’eau sur le site), et du coup ça continuait un peu dans ce triste parcours du touriste qui commençait à m’écœurer. Bon, c’est certainement un truc super à voir, mais je me dis aussi que j’aurais certainement l’occasion d’y revenir un de ses quatre, faut bien que je me laisse des trucs à voir dans le monde… Et Chan Chan, c’était ma compensation. Un site beaucoup moins bien conservé mais beaucoup plus vieux aussi, tout fait de mur de terre à moitié écroulé. Je suis quasiment tout seul dans les ruines de cette ancienne grande ville pré-inca, je me promène dans les rues aujourd’hui très silencieuses en essayant de m’imaginer l’activité d’autrefois, les vendeurs dans les rues, les visages, les habits, les commémorations aux déités autour du lac sacré du village ou de la place centrale. Bon, je m’aide pas mal des indications inscrites sur les panneaux, mais ce fut une ballade très agréable à travers le temps et mon imagination, c’est devenu mon petit Machu Picchu à moi. Je rate bêtement mon bus pour Mancora, les suivants sont tous complets. Et ça commençait aussi à me tarder de retrouver ma petite Violeta en Colombie, son pays natal. Alors je craque, je prends l’avion. C’est assez cher, mais bon, et avec ce problème de code de carte bleue, c’est intéressant de pouvoir acheter mon ticket par internet. Et voilà, je prends un raccourci aérien jusqu’à Medellin.
Et puis pour la retrouvaille avec ma petite colombienne aussi, ça valait le coup. On va maintenant voyager ensemble, visiter les villes et villages charmants de son pays la main dans la main. Et puis je n’aurais plus peur d’enlacer mon voisin de siège dans les bus de nuits …
Un français s’imagine communément la Colombie comme une grande forêt sauvage dans les montagnes avec des troupes de militaires Farcs en jeep qui passent de temps en temps pour se rendre du site de production de cocaïne jusqu’au camp fortifié. C’est pas non plus une réalité erronée, quoique moi je ne l’ai pas observée, mais il faut aussi savoir qu’il n’y a pas que ça en Colombie. En effet, la Colombie m’étonne. La ville de Medellin surtout, très mignonne, très bien organisée et très moderne, et surtout le climat est agréable, c’est le printemps toute l’année. Aussi, il y a des villes qui choquent comme ça pour l’amabilité des gens. La Serena au Chili en était une par exemple, mais Medellin pourrait être la capitale mondiale de l’amabilité. On se demande même, quand les gens se démènent vraiment pour que tu trouve ce que tu cherches, en te donnant même parfois des explications sur ce que tu vois autour sur le chemin, s’ils ne vont pas te demander de l’argent… mais ce n’est pas le cas !
Bogota est bien différente. Le quartier historique de la Candelaria est vraiment super charmant, mais le reste autour est assez moche est très sale, les gens peu aimables et souvent très peu compétents. On part directement pour Villa de Leyva, au nord de Bogota, un petit vieux village bien conservé, vraiment très joli et très fleuri, on s’y sent en paix, avec en plus le festival de cinéma qui commence, l’occasion de découvrir des productions nationales intéressantes et aussi d’autres d’Amérique Latine. Dans le triangle du café, les petits villages sympas entourés de cultures de café à visiter ne manquent pas. Nous on choisit Salento, et on part en jeep vers une finca tenue par un petit vieux qui a grandi dans le café, il accentue sur le fait que sa production est écologique car traditionnelle, les bananiers font de l’ombre aux caféiers autour, le tout en culture en escalier, il y a aussi pas mal d’autres plantes qui s’aident entre elles à pousser, des ananas, des orangers, pour sa consommation personnelle. C’est tellement charmant que je me suis dit que je pourrais me faire l’option quand je serais vieux de venir vivre en Colombie pour cultiver du café.
Cartagena, sur la côte antillaise, une grosse différence au niveau de l’organisation, en arrivant au petit matin je découvre par la fenêtre du bus la circulation désorganisée, les bâtiments moches et mal entretenus. En sortant du bus, je découvre la chaleur étouffante et l’humidité qui prend à la gorge. Heureusement, que le vieux centre est superbe, entouré de son ancienne grande muraille en pierre. Le nouveau centre, avec ses tours en gratte-ciel offre de jolis panorama plein de contrastes depuis la muraille.
Revenu à Medellin, on se prend quelques jours tranquilles pour terminer notre voyage ensemble. Car oui, il faut bien le terminer. Et quand finalement je me décide à reserver mon billet d’avion, c’est étrange. Il y a maintenant une date, un point fixe, et une impression étrange et douloureuse flotte tout à coup en effaçant la douce euphorie de ce voyage à deux. Chaque fois qu’on fait quelque chose on pense que c’est peut être la dernière fois qu’on le fait ensemble. Et l’avenir, on se console en s’imaginant qu’il nous réserve peut-être une jolie retrouvaille, mais on sait bien tous les deux que cette fois ce ne sera pas certain et pas tout de suite. Après une histoire de sept mois, l’avion pour Manaus m’arrache violemment à ma Violeta.
En plein cœur de l’Amazonie, Manaus, une grande ville assez moche, ancienne grosse productrice de caoutchouc, aujourd’hui elle vit grâce à la politique de l’état brésilien qui lui donne l’avantage de détaxer les produits de fabrication électronique. Je suis content, en sortant faire un tour le soir avec deux français de mon auberge, de retrouver cette ambiance à la brésilienne dans un  bar qui paie pas de mine, un petit concert tranquille de musique traditionnelle, de gens de tous âges qui dansent naturellement entre les tables en plastique.
Et il faut bien se lancer, je prends un bateau pour Santarem, je pars à midi et j’arrive le jour suivant à 22h00 (avec 5 heures de retard). La patience devient une vertu très précieuse au cours du voyage. Quoique ses bateaux sont assez confortables, avec douches, nourriture comprise, je tue le temps en somnolant dans mon hamac. J’arrive à Santarem juste pour dormir et prendre mon bateau le lendemain à 18h00, arrivée le surlendemain à 03h00 du matin (avec 7 sept heures d’avance cette fois, j’y comprend rien) à Macapa.
Tout comme Manaus et Santarem, Macapa est une ville moche et sans intérêt, je prends directement un bus pour Oiapoque, un village au bord de la frontière avec la Guyane française. J’arrive à 04h00 du matin, il n’y a personne dans la gare de bus, elle même un peu excentrée de la ville, je décide de partir à droite. Ma maison sur le dos, je fais une demi-heure de marche quand je rencontre quelqu’un qui travaille dans une station essence, je lui demande vers où se trouve la Guyane française, c’est dans l’autre sens. En revenant sur mes pas, je vois un panneau indiquant la Guyane vers la droite, une route en construction, un grand chemin de terre quoi, j’y vais quand même pour voir. Un peu plus loin je vois apparaître un grand pont en béton à haubans. Au milieu du pont, je me repose un peu et assiste au lever du jour. La brume épaisse qui sort de la forêt amazonienne et du fleuve, comme si un nuage dormait dans la terre, c’est un spectacle superbe. Bon, c’est reparti, et je vois un panneau qui me dit que je suis en Guyane Française, c’est bon signe, et plus loin un bâtiment de la douane française, des douaniers me voient arriver, ils se dirigent vers moi. « Bonjour monsieur, vous arrivez du pont !?! » On me fait entrer, je donne mon passeport, « Papillon tu me le notes dans le registre là hein. Bienvenu en France monsieur, et félicitation, vous êtes le premier à arriver par le pont ! » Voilà, je suis devenu un pionnier de l’amitié Franco-Brésilienne. Sauf que j’ai pas fait tamponner ma sortie du Brésil donc il faut que je retourne à Oiapoque, en canot cette fois. C’est là que je rencontre un autre français qui attend aussi à la police fédérale du Brésil pour le tampon et qui me propose de m’amener à Cayenne. Sur le chemin il me parle de la Guyane, il travaille dans les travaux publics et me rassure en me disant que des travailleurs qualifiés ou diplômés sont les bienvenus ici car ils en manquent grandement.
En effet j’arrive dimanche, crevé, ça fait cinq nuits que j’ai pas dormi dans un lit, alors je donne la priorité au repos. Et lundi au matin j’ai un mail d’une entreprise qui veut me rencontrer, à laquelle j’avais envoyé mon CV depuis la Colombie, ça fait plaisir. Pour l’instant rien n’est confirmé, mais l’entreprise et le travail  qu’ils me proposent colle parfaitement avec ce que j’attendais. J’ai déjà emménagé dans ma coloc, près du centre de Cayenne, chez Camille et Sylvain, deux métros qui vivent ici depuis 2 ans, l’ambiance est sympa. Je verrais bien ce que me réserve la Guyane, mais déjà cette région de la France me plait beaucoup, et d’après ce que j’ai lu et écouté, elle a beaucoup de merveilles à me faire découvrir !


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