Benoît Mennesson

Carnet de voyage…

De St-Pierre et Miquelon à Miami

du 18-12-2011 au 31-12-2011
Et de nouveau à Montréal. J’avais envie de la revoir cette ville. Et j’avais envie de revoir Thierry et Clarys, mes amis montréalais. J’avais une petite déprime en partant de St-Pierre et Miquelon, pas si facile de quitter cette petite île perdue, je m’étais un peu attaché. Du coup j’avais pas envie de reprendre la route à la dure tout de suite. Revoir Montréal, Thierry et Clarys, toujours aussi sympas, des têtes connues, des rues connues, pour me remettre dans le bain doucement. Et acheter des guides de voyages en français, un dictionnaire français-espagnol, accessoirement, pour quand je serai en Amérique latine. Enfin bref, pas grand chose à dire, la ville avait pas beaucoup changé, juste le climat. Puis je quitte Montréal avec mon Discovery Pass de Greyhound fraîchement acheté, avec une réduction conséquente grâce à ma carte Hostelling international, fraîchement achetée aussi. Dans le bus de nuit pour Boston, je vois défiler les lumières de Montréal une dernière fois en écoutant un CD de Georges Brassens qui était en promotion au magasin de musique à côté de la gare de bus. Georges, c’était aussi un peu pour se consoler avec un truc connu, rassurant.
Boston ! Tout de suite une bonne impression. Je discute avec une jeune fille devant la gare qui était venue pour aller voir un concert ici, ça me remet dans le bain de l’anglais, puis je file à l’auberge. Boston est une ville sympa, c’est pas encore New-York mais ça a son charme particulier, surtout le quartier de Beacon Bay, des rues pavées étroites un peu défoncées avec le temps, des arbres, des vélos, des petites maisons toute mignonnes, ça fait très européen. Le musée des beaux arts, où je suis allé car l’auberge organisait ça gratuit, a des toiles magnifiques de Renoir que j’avais jamais vues, même sur le net. En traînant le dernier soir, avant de prendre le bus pour New-York, dans des bars à concerts. Je suis tombé sur un groupe de petits jeunes dans le Wally’s café qui jouaient vachement bien, avec un quelque chose de nouveau, tout en restant globalement dans le pur style jazz Be Bop, le guitariste allait un peu plus vers le style de Wes Montgomery. Puis après, un concert de jazz-cubain, des jeunes encore, où le trompettiste, qui avait l’air un peu prétentieux, jouait très bien aussi, en essayant d’épater le pianiste qui lui, avait l’air un peu méprisant.     Et même si j’ai failli pas rentrer dans le bus, parce que tout était réservé, quelle joie de revenir à New-York ! Bon, là tout de suite j’avais une mission, retrouver la copine de ma coloc’ de St-Pierre, en vacances à New-York, pour lui apporter des macarons préparés par elle comme cadeau de Noël. Après cette rencontre sympathique, je file revoir les endroits que j’avais préféré.
Je flotte dans la foule à travers Midtown, Greenwich et West village, Lower Manhattan, des gens pressés qui se bousculent, des tarés, des artistes, des filles sophistiquées, je retrouve un peu Paris, ce que j’aime ces grandes villes ! Et je finis bien sûr par le café Jules, dans East village, avant de prendre mon bus de nuit pour Washington DC. Un petit concert cubain, un peu plus traditionnel, dans ce café qui a toujours une programmation sympa, et toujours ma petite serveuse que j’aime bien. La dernière fois que j’étais parti de New-York, je sais pas pourquoi mais je savais que j’allais revenir, et là j’ai su que ce serait la dernière fois, le cœur gros encore.
Washington DC est une ville qui m’a fait exactement la même impression que Hambourg et Berlin. Des rues trop larges, des bâtiments trop imposants, assez peu de piétons, on dirait une ville à moitié habitée ou conçue deux fois trop grande. Une ville artificielle, une usine où tout se déroule sans accrocs. Les passages piétons à décompte affichent souvent 50 secondes au départ contre 10 grand max à NY, on se sent pas pressé quoi. Enfin, malgré ça, y a vraiment des bâtiments impressionnants, à voir. Et des colonnades, des tonnes et des tonnes de colonnades, plus qu’à Athènes et Rome réunies, je suis sûr. Ça en devient presque écoeurant. Bref, même si je regrette pas d’être venu voir la capitale des USA, qui vaut le détour, je repars quand même avec l’impression d’une ville sans âme, très prétentieuse, et de mauvais goût. De plus, ce qui choque vraiment le plus dans cette ville très propre, c’est le nombre impressionnant de clochards et de sans abris, ils campent dans les parcs publics avec leurs tentes, attendent la fourgonnette, de je ne sais plus quelle église, qui leur offre un repas après avoir fait un sermon ou une messe ou je ne sais quoi, c’est un peu le canal St Martin.
Pour aller à Washington, j’avais eu peur de pas rentrer dans le bus tant il y avait de monde à faire la queue, cette fois au moins c’est plus simple. J’arrive à Columbia tôt le matin, il fait encore très froid mais dès que le soleil se lève, la température décolle. Je me rends compte que tout est très vert, seulement quelques arbres ont perdu leurs feuilles, et ce qui m’a le plus marqué, c’est les bonnes odeurs de fleurs et de chèvrefeuille en se promenant dans les quartiers résidentiels, un délice. Columbia, en Caroline du Sud, est une petite ville très charmante, avec une grosse université qui donne l’impression que ça doit être très agréable d’étudier dans le coin.
Et direction St-Augustine, en Floride. Enfin, c’est là où j’aurais dû aller si ma relative chance avec les bus jusqu’ici ne m’avait pas lâché à Jacksonville pendant une correspondance. La correspondance dure quatre heures, pendant lesquelles je me promène dans la ville, déserte à cette heure de la nuit. Il fait si bon que je décide d’abandonner mon manteau sur un banc, il me tiendrait trop de place si je voulais le ranger dans mon sac. Ma correspondance arrive mais moi et une dizaine d’autres restons sur place, le bus est complet. Il y en a un autre qui devrait être arrivé en même temps mais il sera en retard de deux heures. Quand il arrive, le conducteur incompétent ne connaît pas les Discovery Pass, il veut garder mon billet, je lui dis que j’en ai besoin pour continuer à prendre des bus par la suite, il s’énerve, me dit que je prendrai pas son bus, finalement ses collègues arrivent à le raisonner mais il me fera la bonne farce de ne pas s’arrêter à St-Augustine. Je suis à Orlando, une gare où on te contrôle, fouille ton sac à chaque fois que tu sors prendre l’air, la gare est loin du centre ville donc tu peux rien faire d’autre que de poireauter. Enfin, je tombe sur un mec sympa, un américain du nord qui vient pour travailler en Floride, on discute pendant l’attente, de cinéma, de voyages, des différences culturelles entre l’Europe et l’Amérique du nord. Mais sitôt parti en direction de la côte ouest mon bus tombe en panne sur l’autoroute. Interdit de sortir, une voiture doit venir chercher le conducteur pour qu’il prenne un bus de remplacement. On est à cinq minutes de la gare, on attend plus d’une heure et demie, le gens râlent, les bébés pleurent. J’aurais passé toute ma journée à attendre dans un bus ou une gare alors que j’aurais dû être à St-Augustine tôt dans la matinée et profiter de ma journée. Je réalise que Greyhound à un peu le même slogan que la SNCF en France : « c’est à nous de vous faire préférer les autres moyens de transport ».
J’arrive enfin à Tampa juste avant que l’auberge ne ferme à 23h00. L’auberge Gram’s Place est très cool. Il y a tout ce qui faut, bonne ambiance conviviale, des bières fraîches, un piano. Et puis ça fait trois jours que j’ai pas pris une douche, ça et un lit c’est déjà le bonheur. Le lendemain, l’aubergiste me prête son vélo, je visite le vieux quartier Ybour, le downtown et ses gratte-ciels, il y a certains bâtiments qui ont une influence espagnole, certains ont des toitures genre églises russes, c’est assez spécial. Je visite le musée des arts nouveaux. Des artistes américains qui exposent entre autres des sortes de court-métrages, ou des projections accolées d’un cheval qui court et d’une vieille femme qui se balance sur sa chaise, par exemple. C’est assez étrange mais sympa. Je reviens à l’auberge le soir, joue du piano avant de partir pour la gare prendre mon bus pour Key West. J’aurais voulu voir les Everglades mais je réalise que le temps me manque. Quelle connerie de demander d’avoir un billet d’avion de sortie du territoire quand tu rentres aux USA aussi !
De Key Largo à Key West, la route passe d’île en île par des ponts jusqu’à la fin de cet appendice caribéen du sud de la Floride, le paysage qui défile est magnifique, des petites îles, des petits bateaux qui pêchent, des pélicans perchés, des petits ports et leur jetée en bois. On arrive à Key West et j’accompagne deux parisiennes qui vont aussi à l’auberge de jeunesse, sauf qu’elles, elles ont une réservation, moi pas, je resterais devant la porte car tout est complet. Tans pis, je prends mon sac de couchage dans mon petit sac de ville et je laisse mon gros sac de rando dans une consigne. Je déboule dans la Duval street, où l’animation en soirée est en démesure avec la taille de cette petite ville tranquille. Tant mieux, je vais de pub en pub pour écouter des concerts, je rencontre la faune humanoïde locale. Ce que m’aura laissé comme impression cette soirée est assez étrange. Les gens ici donnent l’impression de dépenser leur argent avec beaucoup de plaisir. Ils aiment payer des coups à boire, étaler leurs dollars sur le comptoir, laisser un pourboire exagéré qui gêne même le barman qui le prend. On croise souvent le regard d’une jolie fille, elle sourit automatiquement, ça donne l’impression d’avoir sa chance, jusqu’à ce qu’un homme qu’on croirait être son père vienne l’embrasser. Les premières personnes saoules que j’ai croisées en plein centre ville c’était peut-être à 19h30, des gens qui ont pourtant l’air d’être correct, même des personnes âgées. Bref, l’impression d’une débauche autorisée de la bourgeoisie américaine en vacances ici.
Réveillé à 07h00 du matin par le soleil qui se lève dans la mer des caraïbes, après s’être couché sur la plage en regardant les étoiles, je me dis que c’est pas plus mal que l’auberge ai été complète. Pas de douche, tant pis je pars me baigner, ça rafraîchit. Je me promène tranquille en centre ville et je saute dans le bus pour Miami. J’arrive tard dans la soirée à destination, à l’aéroport de Miami, en attendant le bus je rencontre un japonais, mais pas un japonais comme les autres, un backpacker japonais super cool avec des dreadlocks, et qui souhaite le bonjour à toutes les jolies filles qu’il croise. On part en centre ville ensemble et on se promène toute la nuit dans le quartier de South Beach. Des boîtes de nuits partout, des femmes superbes habillées comme j’ai jamais vu, qui vont de night-club en night-club. Plein de tarés aussi bien sûr, des paumés, des gens qui ont trop bu. On se pose un peu sur la plage, plus calme que je ne l’aurai pensé, et j’apprend à Blitz à jouer de la guimbarde, il connaissait pas cet instrument, il est super content d’avoir essayé, lui joue de la flûte japonaise. Il part juste avant le petit jour prendre son avion pour Bogota et je file vers la plage. Je me pose sur le sable, sors ma clarinette, l’horizon commence à rougir, des nettoyeurs ramassent les bouteilles de bières vides abandonnées dans la soirée.
Un lever de soleil dans l’océan c’est vraiment quelque chose. Je trouve ça encore plus beau qu’un coucher de soleil. Peut-être parce qu’il y a l’attente, on voit le ciel prendre des couleurs rouge rose bleu, on sent l’ombre dense de la nuit s’évaporer, et on attend, on pense que ça devrait arriver sous peu mais ça vient toujours pas. On se dit qu’il y a peut-être des nuages qui le cachent, on se dit que maintenant il fait presque jour, on devrait déjà le voir. Mais on reste quand même les yeux rivés vers l’endroit de l’horizon qui a la couleur rouge la plus intense. Et elle apparaît, la petite braise orange qui scintille au-dessus de l’eau, et pendant quelque temps, tout se suspend, on ressent une émotion particulière, c’est le début du monde, c’est le début du temps, c’est magique.
Une fois que la braise est devenue grande et bien ronde et qu’elle flotte maintenant au-dessus de l’horizon, je me dirige vers Ocean Drive. Pour tous ceux qui ont joué à GTA vice city, Ocean Drive est une rue déjà familière. On reconnaît les hôtels des années 60, l’ambiance décontractée avec les gens qui font leur footing dans le petit parc juste avant la plage, tout est exactement pareil. Je me promène dans Miami Beach toute la matinée, qui maintenant donne l’impression d’être seulement un grand parc à hôtels, et me voilà dans l’aéroport, d’où j’écris ce récit de voyage. Demain je serais en Jamaïque, je ne sais pas pourquoi mais je suis content de quitter les USA, et je me demande quand même ce que me réserve la suite, qui sera forcément bien différente.


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